Interview de François Rousseau

Dix livres, trois calendriers des Dieux du stade, une exposition remarquée à la Maison européenne de la photographie (MEP), la réalisation de campagnes prestigieuses en France et à l’étranger, François Rousseau est devenu l’un des grands noms de la photo. Nous profitons de la sortie aux éditions Rizzoli de son dernier ouvrage, le magnifique Eaux d’hommes, pour donner la parole à un artiste aussi talentueux que discret.

Comment est née l’idée de ce livre ?
C’est le troisième avec l’éditeur Rizzoli qui avait racheté les droits des Dieux du stade, devenu un best-seller aux états-Unis. J’ai fait ensuite avec eux un ouvrage sur la danse il y a quelques années et là, il s’agit d’une commande sur le thème du nu masculin. L’idée est venue tout naturellement, l’eau a toujours été très présente dans mon travail.

En feuilletant le livre, on subodore un vrai travail de recherche !
Mon ambition est d’aller au-delà de la photo d’un homme nu. Je me suis documenté, j’ai cherché à trouver des directions, notamment des philosophes ayant réfléchi sur le thème de l’eau. Ils sont peu nombreux et j’ai retenu Gaston Bachelard avec L’Eau et les Rêves. Ce petit bouquin fabuleux m’a accompagné pendant tout le temps des shootings, il m’a suggéré tous les chapitres, tous les états de l’eau, l’eau calme, l’eau mystérieuse, l’eau violente, qui correspondent aux états intérieurs de l’homme. Mon livre est fait avec des images, légères, dans lesquelles j’essaie de glisser un peu de profondeur… Un corps seul, c’est finalement peu s’il ne raconte pas quelque chose !

Où les photos ont-elles été prises ?
Dans des lieux où j’ai l’habitude de travailler. J’ai commencé en août 2010, à Hossegor, au Cap, à Tahiti, à Ibiza et dans mon studio à Paris. Dans Eaux d’hommes, je termine sur les pirogues polynésiennes et cette fin sera certainement le début de mon prochain livre.

Quels sont les secrets de fabrication pour avoir une image aussi douce, veloutée, avec un aspect quasi pictural et un grain de peau tellement exceptionnel ?
D’abord, merci pour ces qualificatifs. J’ai du mal à définir mes photos, je suis rarement content de ce que je fais. Je sais juste que je travaille beaucoup, le livre m’a demandé beaucoup de temps dans les prises de vue. Tout est fait en lumière naturelle, c’est pourquoi j’ai choisi le noir et blanc. J’ai un passé « argentique ». L’adaptation au numérique m’a beaucoup perturbé mais cela m’a donné une grande latitude pour chercher les qualités que tu as énoncées. J’ai mes petits secrets de fabrication dans la prise de vue et aussi dans le traitement de la photo qui fait que je maîtrise de plus en plus l’image que je veux faire.

Question plus prosaïque : comment se fait le recrutement des modèles ?
C’est un mélange de modèles professionnels d’agence avec qui je fais des campagnes ou des catalogues, de castings sauvages, notamment dans les salles de sport (j’ai beaucoup de contacts avec des sportifs), et puis j’ai pas mal d’amis qui fonctionnent comme un relai et qui font très gentiment pour moi, du recrutement de modèles !

Comment s’est passé ton séjour aux Etats-Unis ?
Le bilan est un peu contrasté, il est, j’allais dire en « noir et blanc », car j’ai voulu mener de front deux carrières, ce qui n’est jamais facile. J’ai signé d’une part un contrat avec un grand agent américain avec qui j’ai réalisé de grosses campagnes comme l’affiche des Tudor, l’affiche d’un film de Soderbergh avec Matt Damon et d’autre part, j’étais sur un projet colossal d’atelier, le tout conjugué avec la difficulté d’être dans une ville où n’ayant pas d’équipe structurée derrière moi, j’ai tout fait tout seul. En même temps, je suis allé au bout de ce que je voulais faire et en particulier une grande expo à la MEP. Ce qui explique que je suis content d’être revenu à Paris où les conditions de travail sont plus simples !

Parfois il faut faire des choix. Si je comprends bien, tu as plus envie de faire beaucoup de choses que de faire des choix ?
Oui, mais c’est ce qui est stimulant ! J’ai toujours beaucoup travaillé et j’ai trouvé un équilibre en prenant du temps pour dépenser l’argent gagné dans la publicité dans mes projets personnels. En sachant que le travail essentiel que j’ai fait dans la pub m’a énormément apporté, au niveau des contacts, du savoir-faire, de la gestion des projets.

On te retrouve aussi dans l’actualité avec la sortie des Dieux du stade ! Comment es-tu amené à cette « récidive » ?
Déjà par un rapport d’amitié et de complicité avec Max Guazzini depuis huit ans. On aime bien bosser ensemble ! Les premiers Dieux du stade avait changé pas mal de choses dans ma carrière, cela m’a ouvert des portes aux états-Unis, chez les éditeurs. Avec aussi l’inconvénient d’être vite catalogué comme un mec qui prend des photos de mecs à poil, au détriment de mon vrai travail puisque je fais de la mode féminine, des célébrité, des portraits. C’est une renommée à double tranchant.

C’est donc Max Guazzini qui prend l’initiative ?
Oui. Après avoir fait le premier calendrier, Max m’avait dit que nous en referions un. À mon retour des États-Unis, il m’a appelé pour me féliciter au sujet d’une photo et à cette occasion, on a reparlé de l’édition 2011. En 2012, le cas de figure a été différent. Le Stade français a eu des difficultés. Max n’est plus président mais on lui a demandé s’il voulait continuer Les Dieux du stade et il est revenu une troisième fois vers moi. Là, c’était encore plus intéressant, nous avions peu de temps, on s’est retrouvé dans des conditions proches d’un tournage de film, on a fait une semaine non stop, sans coupure, immergé dans un même décor. Cela a fait ressortir des images plus fortes, avec une vraie unité.

De l’avis général, la cuvée 2012 est particulièrement réussie !
J’en suis heureux, d’autant que c’est la nouvelle génération qui apparaît beaucoup dans ce calendrier 2012, ils sont  tous très jeunes, très beaux. On a travaillé de façon scénarisée, avec la découverte de la barque, le côté « fin du monde », dans un lieu complètement détruit (une idée de Max). J’ai voulu y glisser mes histoires et surtout je me suis lâché en lumière, j’ai fait un vrai travail cinématographique, et je me suis bien amusé. C’était physiquement éprouvant, mais passionnant.

Eaux d’hommes est publié aux éditions Rizzoli
www.francoisrousseau.com
www.rizzoliusa.com

 

 

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  1. Methode bourse ::

    Sublime lecture, je vous remercie !!!

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